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Le prix de la laine s’est effondré ces dernières années. Les exportations vers l’Asie se sont fortement ralenties. Des voies de valorisation locale sont possibles, mais à quelles conditions ? Les réglementations européennes, les usines de transformations, la qualité de la laine et son traitement en élevage, etc. Tous ces sujets doivent être investigués pour permettre de redonner de la valorisation à cette matière noble trop longtemps délaissée. C’est le travail de Pauline Gillet, chargée de projet produits biosourcés chez Valbiom.

La conférence et cet article sont présentés par le Collège des Producteurs sous le contrôle et l’expertise de Valbiom qui réalise tous les travaux et les investigations de filière pour revaloriser la laine localement.

Quel potentiel de production en Belgique

Pour commencer, il est nécessaire de définir le gisement de laine en Belgique et de le caractériser. Il y a 213 000 ovins en Belgique en 2021, toute catégorie d’âge et de sexe confondues. Il y a plus de moutons en Flandre avec un peu moins de 120 000 têtes et une légère diminution du cheptel entre 2016 et 2021 (-2 %). La Wallonie est dans une tout autre dynamique avec une croissance de 30 % sur la même période. Il y avait un peu moins de 100 000 ovins présents en 2021.

Au total pour la Belgique, le cheptel a augmenté de 24 000 têtes entre 2016 et 2021. À titre de comparaison, le cheptel ovin belge représente 10 % du cheptel bovin.

Maintenant que le nombre total d’animaux est connu, il est intéressant de caractériser ces élevages. La Flandre possède beaucoup plus d’élevages (+/- 17 000) que la Wallonie (+/- 6 000). Il y a donc en moyenne 7 moutons à tondre par élevage au nord du pays contre 17 au sud. Cela rend la collecte plus évidente au sud qu’au nord.

En se concentrant sur la Wallonie, 5 849 élevages sont identifiés dont 4 005 ont maximum 10 moutons. Seulement 155 élevages ont plus de 100 animaux. Cela permet de voir également que sur les 97 721 ovins wallons, seulement 18 447 sont détenu par les 4 005 éleveurs de maximum 10 animaux. Et 37 519 moutons sont détenus par les 155 détenteurs de plus de 100 ovins.

Sachant qu’un mouton produit en moyenne, toute races et toute catégories d’âge et de sexe confondu, environ 2 kg par animal et par an. Le gisement potentiel annuel est de 400 T en Belgique. Ce qui est relativement faible en comparaison de notre voisine la France avec 11 000 T annuels de production.

Quels types de laine sont présents en Wallonie ?

Valbiom a organisé une enquête via les réseaux de l’ARSIA pour caractériser les races de moutons présentes en Wallonie. Cela a permis ensuite de caractériser les qualités de laine disponible.

583 éleveurs ont répondu à l’enquête ce qui représente 10 % des éleveurs et 17 % des moutons présents sur la région. C’est donc représentatif du secteur wallon.

Dans les races présentes dans notre région, 57,3 % sont des races dites « viandeuses », 24,5 % dites « d’entretien des espaces verts », 10,8 % des animaux sont croisés, 6,5 % sont dits « laitiers » et seulement 0,9 % des races présentes sont destinées à la production lainière.

En races viandeuses, les Ile-de-France, les Texels Français, les charollais et les vendéens sont les races les plus représentées avec respectivement : 16,7%, 13,9%, 8,4%, 7,8% du total des animaux présent.

La majorité des races ne sont donc pas destinées à la production lainière pure, mais ce n’est pas pour autant que leur laine n’est d’aucune valeur. Le tableau 1 représente la finesse moyenne des laines en fonction des races (source : Valbiom).

Figure 1 : classement des races en fonction de la finesse de leur laine.

La ligne rouge représente la taille maximale des fibres pour une utilisation textile. Mais d’autres utilisations sont possibles pour ces laines. Il est intéressant de remarquer que les races les plus présentent en Wallonie ont des qualités de laines propices à une valorisation à haute valeur ajoutée.

Chaque type de laine a un usage particulier. Il est nécessaire d’identifier les laines et les usages avant la récolte de celle-ci.

Sur base de leur étude, Valbiom a pu classifier la laine wallonne. 72 % de la laine est blanche et 17 % est colorée. Le reste (11 %) est indéterminé parce que les animaux sont croisés. 42 % du total de la laine à une longueur de 7 à 20 cm. 30 % sont inférieurs à 7 cm. Les fibres courtes issues des doubles tontes ou des tontes des agneaux ne sont pas utilisable en textile. Pour les laines, blanches et de longueur 7 – 20 cm, la majorité est comprise entre 30 et 35 µm. Finalement, environ un tiers (35%) de la laine est blanche de 7-20 cm et entre 30 et 35 µm.

Cette laine est utilisée préférentiellement en literie, en rembourrage et en couettes.

Attention, d’autres facteurs que la race influence fortement la qualité de la laine : l’âge, l’état de santé, le sexe de l’animal ainsi que les conditions météo.

Quelles sont les utilisations actuelles de la laine ?

D’après l’enquête de Valbiom, en 2023, 67 % de la laine n’est pas valorisée par les éleveurs. 8,1 % est vendue et 9,3 % est donnée. Le reste, ce sont des utilisations en retour à la terre ou personnelle.

Il y a donc de la place pour une valorisation des laines locales.

Quelles filières développer en Wallonie ?

La filière de la laine est complexe et chaque maillon est dépendant de la qualité de travail des maillons précédents. Pour cela, dès l’élevage, il y a des actions à prendre pour s’assurer d’une laine de qualité.

À l’élevage, il est important de veiller à minimiser les résidus de végétaux présents sur les animaux. Les pailleuses sont de véritables outils de dispersion de végétaux dans les toisons des moutons. Assurer un état sanitaire impeccable aux animaux est aussi un gage d’une qualité de laine.

Le chantier de récolte est crucial pour la suite de la filière et définira les grandes lignes du schéma de valorisation. La laine doit être prélevée dans les meilleures conditions. Sur un plancher en bois ou un béton propre. Le parage des onglons doit se faire séparément. Les moutons doivent être sec. La laine doit déjà être triée lors de la tonte, en séparant les jarrets et les panses du reste de la toison. Enfin, le tondeur doit avoir une technicité irréprochable pour éviter les fausses coupes qui réduisent la longueur des fibres. Ceci permet déjà d’atteindre une qualité valorisable, dans la filière isolation par exemple.

C’est l’usage qui fait le tri !

Pour aller plus loin et atteindre une meilleure qualité des toisons (à valoriser en rembourrage, fils…) lors du chantier, l’usage d’une table de tri simplifie le classement des différentes parties de la toison. Mais la sévérité du tri est dictée par l’usage qu’il sera fait des toisons ! Une personne souhaitant valoriser les toisons de ses iles de France en fil sera plus sévère que pour la valorisation de texel en couettes ou de roux ardennais en feutre : c’est l’usage qui fait le tri. Au final, l’objectif est surtout de créer des lots homogènes, d’une taille critique permettant leur lavage (500 kg minimum pour un lavage chez Traitex par exemple).

Les jarrets, panses et bords de toisons sont écartés, ils rejoignent les toisons trop paillées et les toisons feutrées. Dans le cœur de toison restant, on peut séparer la belle qualité des épaules et des flancs en qualité A et les cuisses, dos et cous (si non paillés) en qualité B.

Dès que les curons de laine sont triés. Les laines à faibles valeurs (de panses, de jarrets, courtes, avec matières végétales, etc.) pourront partir dans la filière, en développement, de la granulation.

La granulation est un procédé qui permet de transformer la laine en pellet qui sera par la suite valorisée en magasin de jardinage comme engrais naturel. Cependant, le développement de cette filière se retrouve face aux règlements européens qui catégorisent la laine comme sous-produit animal de catégorie 3. Donc pour pouvoir valoriser la laine, une hygiénisation est obligatoire. Cette hygiénisation peut soit être un lavage (non compatible avec l’engrais) soit une mise sous haute température durant quelques heures. Parvenir à rendre cela possible en Wallonie est un des travaux de Valbiom et en particulier de Pauline.

Ensuite, la laine restante peut partir au lavage. Chance pour nous wallons, une usine de lavage industrielle existe encore en Wallonie à Verviers. Il est donc possible de laver notre laine localement, et ce, dès 500 kg. Ce qui est relativement peu.

Le schéma ci-dessous reprend les différentes unités de transformation nécessaires pour valoriser la laine.

Il est certain que chacun de ces maillons est tributaire de la qualité de travail des précédents. Pour obtenir une laine de qualité textile, tout démarre de la qualité des toisons. De nombreuses unités de transformations sont toujours présentes en Belgique, l’amélioration de la qualité des toisons permettrait de relocaliser la transformation de ces dernières et de revaloriser la laine qui était, il y a moins de 100 ans, la seule raison de l’élevage ovin en Wallonie.

En 2023, seule une partie de la laine lavée part en valorisation dans des isolants et des feutres techniques. Tout cela se déroule également en Belgique dans des industries qui sont disponible pour les utilisateurs.

Si au départ, la Belgique produit 400 T et en place 200 T dans la granulation, 200 T vont au lavage et avec 50 % de rendement de lavage 100 T en ressortent. Sur ces 100 T, si 10 T partent dans les utilisations en construction (isolants). Il reste 90 T à valoriser au niveau du cardage, du feutrage, du peignage et du filage. Toutes ces industries sont encore disponibles en Belgique ou en France (Tourcoing). Par le feutrage, 20 T/an peuvent être valorisées. Et il resterait 70 T/an de fils à tricoter. Ce qui donne 200 000 pulls par an à vendre aux consommateurs.

Quelles conclusions pour la filière actuellement ?

Le bilan actuel de la filière est mitigé. D’abord, la laine ne vaut pas grand-chose pour les éleveurs et peu d’entre eux valorisent leur laine. Cela a créé un cercle vicieux de non-respect des règles de récolte et de diminution de la qualité de la laine dans les curons. Il est nécessaire de casser ce cycle. Mais comment ?

  1. Premièrement en donnant un peu de valorisation même à la laine stockée des dernières saisons et à la laine future en permettant à la granulation de se mettre en place dans notre région.
  2. Deuxièmement, en formant plus de tondeurs aux bonnes pratiques de tontes.
  3. Troisièmement en respectant les quelques règles simples pour améliorer la qualité de la laine.

Les industries de transformation et de valorisation existent localement pour la haute valeur ajoutée également. Créer des filières de valorisation est donc possible pour autant que les consommateurs adhèrent aux produits et que les professionnels se lancent dans cette matière noble. Cependant, la récolte et la collecte de gros volumes de laine resteront compliqués par la taille et le nombre des troupeaux d’ovins belges.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter Pauline Gillet : p.gillet@valbiom.be et je profite de cet échange pour vous inviter à nous rejoindre lors de la Foire de Libramont. Valbiom organise à cette occasion le Village Biosourcé avec de nombreux co-exposants (bioénergies, matériaux et textiles biosourcés…). Nous serions ravis de vous accueillir sur notre stand à cette occasion !

Le Collège des Producteurs