Face aux enjeux économiques et environnementaux qui traversent le secteur agricole, l’événement “Que produire sur ma ferme ?” a rassemblé le 5 février dernier, près de 100 agriculteurs et acteurs filières, désireux d’explorer de nouvelles opportunités de production en grandes cultures. Co-organisé par le Collège des Producteurs, Natagriwal, Agri-Innovation, et le GAL du pays des 4 bras, ce rendez-vous a mis en lumière des pistes concrètes pour valoriser les productions locales en Wallonie.
Un format dynamique et interactif
L’événement a été conçu pour favoriser les échanges et la réflexion :
• Une séance plénière pour poser le cadre économique et stratégique des filières locales.
• Des pitchs courts permettant à chaque filière de se présenter efficacement.
• Des tables de discussion pour approfondir les enjeux et créer des synergies entre producteurs et acteurs du secteur.
Grâce à l’ancrage local et à la mobilisation des organisateurs de l’événement, plus de la moitié des agriculteurs était originaire du territoire du GAL du Pays des 4 Bras (Genappe, Les Bons Villers et Villers-la-Ville).
Filières locales : Enjeux de valeurs, de marchés, de rémunération et de coopération
“Comprendre les enjeux pour mieux valoriser la production” – Emmanuel Grosjean, Coordinateur du Collège, a introduit la plénière sur un état des lieux des filières agricoles. L’un des constats majeurs abordés est l’écart entre les dépenses alimentaires des consommateurs et la part qui revient aux producteurs :
1. L’alimentation, un marché incontournable : Les Belges dépensent environ 34 milliards d’euros par an en alimentation, soit 50 à 60 € par semaine et par habitant.
2. Un secteur agroalimentaire puissant : En Wallonie, la transformation agroalimentaire génère 10 milliards d’euros de valeur, dont 4 milliards à l’exportation.
3. Une production primaire sous-valorisée : Sur les 11 milliards d’euros générés par la production agricole belge, seuls 3 milliards reviennent à la Wallonie.
Ces chiffres illustrent un potentiel inexploité : le fermier wallon peut encore capter plus de valeur en se positionnant sur des filières à forte valeur ajoutée, capables de séduire à la fois l’industrie et les consommateurs.
Produire mieux, mais en maîtrisant les risques
Actuellement, la Wallonie est marquée par des productions de masse à faible valeur ajoutée (comme les plantes fourragères par exemple) et qui subissent la volatilité des marchés mondialisés.
L’objectif est donc d’explorer des alternatives plus rémunératrices, tout en étant conscients des défis à relever :
• Une rémunération des producteurs sous pression.
• Des prix instables, souvent subis.
• Une diversité de terroirs spécialisés, source de nouvelles opportunités.
• Des marchés variés, avec un potentiel d’auto-approvisionnement fort selon les filières.
Créer et capter de la valeur : quelles stratégies pour les filières locales ?
Les discussions ont permis d’identifier plusieurs leviers pour renforcer la rentabilité des filières agricoles :
• Ancrer la valeur dans les coûts de production pour garantir une juste rémunération.
• S’appuyer sur la rareté pour positionner certaines productions comme premium.
• Monétiser des valeurs sociétales (local, durable, respect de l’environnement, etc.).
• Renforcer le support de la communauté et la modernisation des valeurs commerciales (transparence, confiance via des circuits courts, liens directs avec les consommateurs,…)
• Encourager la coopération pour partager les risques, stabiliser les relations commerciales et limiter les intermédiaires.
Des tables de discussion autour des 8 filières représentées
- AGRONUTS : Noisettes – site web
- Équilibre – Huile paysanne : Tournesol (bio) – site web
- Cultivae : Orge de brasserie, colza, filières régénératives (bio et conventionnel) – site web
- Farm For Good : Froment planifiable, moutarde (bio) – site web
- Graines de Curieux : Légumineuses, céréales (bio) – site web
- CIPF Centre Indépendant de Promotion Fourragère : Cultures biomasse (ex : sylphie, miscanthus) – site web
- GROW : Légumes plein champs (bio) – site web
- Filière bas carbone présentée par le Collège des Producteurs
Focus sur les contrats bas carbone, une nouvelle opportunité pour les agriculteurs
Lors de l’événement “Que produire sur ma ferme”, une des tables de discussion animée par le chargé de mission Grandes cultures du Collège, Julien Beuve-Méry, était consacrée aux contrats bas carbone (carbon farming). Face à ces pratiques émergentes, les agriculteurs ont de nombreux questionnements, voire parfois du scepticisme. Il s’agissait d’une part d’expliquer le principe de l’agriculture carbone, les techniques et les intérêts, et d’autre part, de présenter les différents contrats actuellement proposés aux agriculteurs dans ce domaine.
Le Carbon Farming (ou agriculture carbone) désigne un ensemble de pratiques agricoles visant d’une part à séquestrer du carbone atmosphérique dans les sols via la photosynthèse et d’autre part, à limiter les émissions de carbone (utilisation d’intrants, etc). Ce qui permet de contribuer à a lutte contre le changement climatique.
Comment cela fonctionne-t-il ?
• Un agriculteur qui adapte ses pratiques (ex. réduction des intrants azotés, augmentation de la matière organique, couverture permanente des sols, adaptation des rotations, etc) peut stocker du carbone.
• Ce stockage génère un certificat-carbone, qui peut ensuite être vendu à des industriels pour que ces derniers tendent vers une neutralité carbone.
• Les industriels, soucieux de leur empreinte carbone, sont donc prêts à rémunérer les agriculteurs pour ces pratiques durables.
Principes du Carbon Farming
L’idée principale est d’augmenter la séquestration du carbone dans les sols agricoles et les écosystèmes naturels tout en maintenant ou améliorant la productivité agricole. Cela repose sur : l’amélioration de la santé des sols ; la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; l’augmentation du stockage du carbone dans la biomasse et le sol.
Techniques utilisées
Agroforesterie : plantation d’arbres et arbustes dans les champs
Couverture végétale permanente : éviter les sols nus en hiver
Rotation des cultures et cultures intermédiaires : améliorer la biodiversité du sol
Réduction du travail du sol (agriculture de conservation) : limiter le labour pour éviter l’érosion et la libération de CO₂
Compostage et apport de matière organique : enrichir le sol pour favoriser la séquestration du carbone
Pourquoi est-ce important ?
Environnemental : réduction du CO₂ dans l’atmosphère
Agronomique : amélioration de la fertilité des sols
Économique : émergence de marchés de crédits carbone rémunérant les agriculteurs
Les lignes directrices de calcul des crédits carbone variant selon les acteurs, il appartient aux agriculteurs de se renseigner pour choisir le modèle qui leur convient le mieux.
Plusieurs structures, comme SCAM, Cultivaé et Walagri, ont d’ailleurs présenté leurs solutions pour accompagner les agriculteurs dans cette transition vers des pratiques plus durables et rentables.