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10 décembre 2025, Wallonie – Plus d’une centaine de professionnels du secteur agricole se sont réunis à l’occasion de l’ Agr-e-sommet organisé par Libramont Coopéralia pour échanger sur les enjeux majeurs auxquels fait face l’élevage wallon. Entre transmission des exploitations, évolution des comportements de consommation, menaces sanitaires et défis commerciaux internationaux, les intervenants ont dressé un tableau à la fois préoccupant et porteur d’opportunités.

  1. Transmission et renouvellement des générations : un enjeu critique pour l’avenir de l’élevage 

L’élevage wallon est confronté à plusieurs défis structurels, parmi lesquels le renouvellement des générations occupe une place centrale. La question de la transmission se pose à deux niveaux :

  • Au sein du secteur : attirer et former de nouveaux éleveurs, alors que les règles administratives et juridiques freinent souvent la reprise des fermes, l’accès aux aides et les successions.
  • Vers la société : mieux communiquer sur le rôle et la valeur de l’élevage auprès du grand public.

Les participants ont souligné que la complexité des procédures administratives et l’accès aux aides publiques constituent des obstacles majeurs pour les jeunes souhaitant s’installer.

  1. Comportements de consommation : le temps, nouveau facteur limitant

Pierre-Alexandre Billiet (Gondola), expert en comportement de consommation, a présenté une analyse des tendances actuelles en Belgique :

  • Un pouvoir d’achat globalement préservé : Selon une étude récente de la Banque Nationale de Belgique (BNB), 75 à 80 % des Belges disposent d’un bon pouvoir d’achat en 2025, grâce notamment à l’indexation des salaires et à la baisse de l’inflation. Le facteur limitant pour les consommateurs n’est donc plus l’argent, mais le temps.
  • Stabilité des ventes de produits frais : Les volumes restent stables depuis plusieurs années, mais on observe des déplacements de consommation entre les gammes de produits. Les promotions, qui concernent désormais 20 % des produits frais, influencent davantage le choix des produits dans le magasin que le choix du magasin lui-même.
  • Segmentation du marché : Les pensionnés représentent un quart des achats de produits frais, un segment clé pour les distributeurs.
  • Sourcing et résilience : Le changement climatique et les risques de rupture d’approvisionnement poussent les acteurs du retail à privilégier la résilience des chaînes d’approvisionnement plutôt que l’optimisation pure des coûts.

Enjeu majeur : 4 à 5 % des rayons sont vides en moyenne dans les grandes surfaces, un phénomène qui avait disparu depuis des années et qui revient ponctuellement, notamment en raison de difficultés logistiques et climatiquesnbb.be

  1. Accord UE-Mercosur : une menace pour les filières agricoles européennes

Benoît Cassart, député européen, a alerté sur les risques de l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur :

  • Balance commerciale défavorable : Si l’UE affiche une balance commerciale globale positive avec le Mercosur, elle accuse un déficit de 30 milliards d’euros sur les biens agricoles. L’UE importe déjà 340 000 tonnes de viande bovine du Mercosur, avec un droit de douane moyen de 20 %. Le coût de production y est 40 % inférieur à celui de l’UE, et jusqu’à 60 % inférieur au Brésil.
  • Menaces sur les filières : Viande bovine, sucre et volaille sont particulièrement exposés à la concurrence déloyale, en raison de normes environnementales et sanitaires moins strictes dans les pays du Mercosur.
  • Prochaines étapes : L’accord, déjà approuvé par la Commission européenne en septembre 2025, doit encore être ratifié par le Conseil de l’UE et le Parlement européen. Plusieurs États membres, dont la France, la Pologne et la Belgique (notamment la Wallonie), s’opposent au texte en l’état, mais une minorité de blocage semble difficile à réunir.

Contexte : La Commission Européenne espère une adoption rapide avant la fin de l’année 2025, mais l’opposition des agriculteurs et de certains gouvernements pourrait retarder ou bloquer le processus.

  1. Santé animale : des menaces grandissantes

Chantal Rettigner, Chief Veterinary Officer de l’AFSCA, a mis en garde contre la remontée de maladies animales en provenance du Sud et de l’Est de l’Europe, favorisée par le changement climatique. Parmi les risques identifiés :

  • Dermatose Nodule Contagieuse (DNC) : Détectée en Italie et en France depuis 2025, cette maladie touchant les bovins s’étend progressivement, malgré les mesures de confinement et de vaccination.
  • Fièvre catarrhale ovine (FCO) : Les élevages belges subissent encore les conséquences de l’épidémie de 2024, avec une campagne de vaccination obligatoire en 2025 qui a porté ses fruits. La vaccination sera volontaire mais vivement encouragée en 2026.
  • Peste porcine africaine (PPA) : La vigilance reste de mise, avec des mesures strictes de biosécurité et de traçabilité pour éviter une nouvelle propagation.
  • Influenza aviaire. La saison 2026 s’annonce malheureusement fort impactante avec déjà plusieurs élevages touchés.

L’AFSCA insiste sur l’importance de la prévention, de la vaccination et de la biosécurité pour limiter l’impact de ces maladies sur les troupeaux et l’économie agricole.

  1. Synthèse des débats et échanges
  • Facteur limitant : Le temps, et non l’argent, pour la majorité des consommateurs.
  • Protection du marché : Besoin de renforcer la protection du marché commun européen face à la concurrence internationale.
  • Résilience et innovation : Le secteur doit s’adapter aux défis climatiques et sanitaires, en misant sur la diversification, la qualité et la transparence.
  • Engagement local : La Province du Luxembourg a réaffirmé son soutien à l’agriculture et à l’alimentation, en mobilisant ses compétences pour accompagner les acteurs du secteur dans leur transition. Aussi pour certains éleveurs présents, les réponses à ces enjeux se trouvent dans la commercialisation locale et la maîtrise de ses canaux de commercialisation.

Quentin Legrand — Chargé de mission Viande Bovine
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